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Villers-le-Gambon

L’eau de source de Villers s’invite au Parlement

M. le Président. – L’ordre du jour (25 février 25) appelle les questions orales à M. Coppieters, Ministre de la Santé, de l’Environnement, des Solidarités et de l’Économie sociale, de :
– M. Fontaine, sur « la fermeture de la source de Villers-le-Gambon consécutive à la présence de TFA » ;
– Mme Linard, sur « la pollution aux PFAS de la source de Villers-le-Gambon » ;
– M. Chintinne, sur « la détection de TFA dans une source à Villers-le-Gambon ».

M. Eddy Fontaine (PS). – Monsieur le Ministre, le 17 décembre, mon groupe vous interrogeait concernant une étude de PAN qui pointait la présence de TFA en quantité dans l’eau minérale de Villers-le-Gambon, dont la source se trouve en Wallonie, tout près de Philippeville. Le 14 février, jour de la Saint-Valentin, nous apprenions via un communiqué que la commune de Philippeville avait fermé la source de Villers-le Gambon. En effet, cette source en accès libre n’était, selon la presse, jamais, jusque-là, testée par les autorités communales.
Dans la presse, le bourgmestre déclarait que, dès qu’il avait appris les résultats de l’étude, il avait « immédiatement fermé la source par mesure de prudence ». Or, la publication de l’étude de PAN date du 3 décembre, la question de mon groupe date de mi décembre, et la fermeture de la source aurait été ordonnée le 13 février. Monsieur le Ministre, pourriez vous nous informer quant à ce timing ?
Vos services avaient-ils pris contact avec les autorités communales en décembre ?
Cette fermeture de la source mi-février est-elle liée à de nouveaux éléments dans les investigations prévues ?
Votre administration a-t-elle pu déterminer la source de la contamination ?
Dans votre réponse, vous indiquiez que « la région de Philippeville, la plus touchée par les TFA pour l’eau embouteillée, l’est aussi pour les eaux distribuées par le réseau public, en l’occurrence par l’INASEP et que cela pourrait résulter d’une activité agricole soutenue et des captages vulnérables dans les nappes calcaires du Sud namurois ». Est-ce un point que vous avez pu investiguer plus en avant ?
Une étude hydrogéologique au sein des zones de prévention de ces prises d’eau a-t-elle pu être réalisée ? Dans l’affirmative, avec quels résultats ?
Dans cette même réponse, vous indiquiez que 22 pesticides utilisés en Wallonie contiennent des PFAS et que leur dégradation pourrait « hypothétiquement » produire des TFA. Comment cette piste est-elle investiguée ? Avez-vous chargé le Conseil scientifique indépendant d’étudier cette question ?

Mme Bénédicte Linard (Ecolo). – Monsieur le Ministre, j’aimerais tellement ne plus devoir vous interroger en commission sur le dossier des PFAS ou l’une de ses ramifications, mais chaque semaine ou presque, l’actualité nous rappelle que les polluants éternels sont omniprésents dans nos vies et dans notre environnement. Cela souligne, si je ne l’ai pas dit déjà au moins 20 fois sur cette législature, la nécessité d’agir à la source, Ecolo ne le répétera jamais assez, et d’interdire la production de ces substances.
Il y a quelques jours – je vais paraphraser un petit peu mon collègue –, le bourgmestre de Philippeville a interdit l’accès à la source de Villers-le-Gambon suite à la détection de taux élevé de TFA, le plus petit des PFAS, qui est un sous-produit de certains pesticides que nous avons déjà évoqué à plusieurs reprises dans cette Commission.
Une analyse réalisée par l’association PAN Europe a en effet révélé un taux de 3 400 nanogrammes par litre d’acide trifluoroacétique, le TFA, dépassant donc la norme de 2 200 nanogrammes par litre établie par le Comité scientifique indépendant.
Lorsque nous avons abordé en commission, à l’automne dernier, la question de la présence du TFA en Région wallonne, la zone de Philippeville était déjà identifiée comme la plus touchée dans le cadre du monitoring effectué par la SWDE. La source de Villers le-Gambon – il faut le savoir – est aussi exploitée par la société Villers Monopole qui, de son côté, assure respecter les seuils réglementaires en vigueur. Le bourgmestre de l’entité a indiqué vouloir demander des analyses plus approfondies à un laboratoire externe.
Monsieur le Ministre, comment réagissez-vous à cette information ? Un soutien de la Région à la Commune, dans sa volonté de demander des analyses complémentaires, est-il prévu ? Avez-vous eu un contact avec le bourgmestre de Philippeville ? Quel travail est mené en vue d’identifier le ou les responsables de ces pollutions à Philippeville ?
Votre administration ou d’autres se sont-elles saisies de ce dossier ? Avez-vous de premiers éléments de réponse pour expliquer ce dépassement important de concentration de TFA ?
Vous avez annoncé le lancement d’un plan d’action concernant le TFA à l’automne dernier. Où en est ce travail ? Le Gouvernement wallon est-il favorable à l’interdiction à la source des pesticides contenant du TFA, et quelles initiatives ont déjà été prises en la matière ?

M. Grégory Chintinne (MR). – Monsieur le Ministre, dernièrement, la Commune de Philippeville a fermé la source de Villers-le-Gambon, comme l’ont précisé mes collègues. Une analyse effectuée par PAN Europe a révélé une forte pollution à un PFAS, le TFA, pour acide trifluoroacétique.
Cette source en accès libre n’est jamais testée par les autorités communales. Ces dernières insistent néanmoins sur le fait que c’est la source qui est concernée, et non l’eau de distribution. Par contre, le bourgmestre a organisé une réunion le lundi 17 avec les représentants de la société Villers Monopole, comme cela a été dit tout à l’heure, qui exploite la même source pour ses eaux minérales.
Monsieur le Ministre, avez-vous été informé de la situation ? Les TFA contiennent très peu d’atomes de carbone et ne sont pas connus pour s’accumuler dans le corps humain. Ils ont tous été enregistrés dans le cadre du règlement de l’Union européenne et ont fait l’objet d’une évaluation des dangers et des risques. Leurs propriétés ne peuvent pas être comparées à celles des PFAS à longue chaîne carbonée. Confirmez-vous la non-dangerosité des TFA ?
Quelles mesures spécifiques peuvent être prises pour remédier à cette pollution ? Un contact a-t-il été pris avec la société Villers Monopole qui utilise cette même source ? Si oui, qu’en ressort-il ?

M. Yves Coppieters, Ministre de la Santé, de l’Environnement, des Solidarités et de l’Économie sociale. – Madame et Monsieur les Députés, lorsqu’on regarde la teneur en TFA de 3,4 microgrammes par litre relevé par l’étude PAN Europe dans l’eau minérale produite à Villers-le-Gambon à partir de deux sources émergentes de la nappe calcaire, c’est une question qui doit être instruite au niveau fédéral. C’est en effet le SPF Santé et Sécurité de la chaîne alimentaire qui est compétent pour les eaux minérales.
En ce qui concerne les compétences régionales, l’étude hydrogéologique visant à adapter les zones de prévention du captage de Villers Monopole est toujours en cours. Un essai de traçage visant la mise en exploitation d’un puits foré en amont des sources est notamment en cours de réalisation.
La source accessible au public, quant à elle, est située dans une rue en contrebas du captage. Son eau n’est pas captée pour le minéralier. C’est ce que l’on appelle en général le trop-plein.
Pour sa part, le village de Villers-le-Gambon est alimenté en eau de distribution par l’INASEP via une fourniture d’eau en provenance de la station du ry de Rome à Couvin. Cette eau ne contient quasiment pas de TFA, puisque sa teneur est inférieure à 1,5 microgramme par litre.
En ce qui concerne l’intention et la décision du bourgmestre d’interdire l’accès du public au trop-plein des sources, je n’en ai jamais été informé.
Mon administration n’a donc pas été concertée et je ne peux dès lors pas vous éclairer sur ce qui a amené M. le Bourgmestre de Philippeville à définir ce timing d’intervention. Je n’ai pas eu de contact direct, à ce stade, avec lui.
Concernant son initiative, je dirais que même si la loi communale permet de prendre de telles mesures d’interdiction sous l’angle de la salubrité publique, celle-ci me semble disproportionnée au vu de l’avis émis par le Conseil scientifique indépendant concernant les TFA et les taux requis. Ceci d’autant que l’usage de cette eau est multiple et épisodique, à la faveur de marches ou de randonnées.
Le bourgmestre est-il en possession d’éléments nouveaux ? J’ai chargé en tout cas l’administration de vérifier. Celle-ci recommande d’ailleurs aux communes, lorsqu’une source naturelle est rendue accessible au public, de la contrôler régulièrement, principalement pour vérifier sa qualité microbiologique, laquelle constitue le risque immédiat.
Sur base de la recommandation du Conseil scientifique indépendant, je confirme que le TFA n’est pas dangereux pour la santé aux valeurs rencontrées dans nos nappes les plus exposées, comme les calcaires du Sud-Namurois – dont celles de Philippeville. Je ne vais plus m’étendre sur les mesures envisagées pour limiter les teneurs en TFA rencontrées dans certaines nappes, puisque je les ai développées dans ma réponse en décembre dernier. Je vous renvoie aux réponses apportées à l’époque.
Cependant, le monitoring du TFA dans l’eau potable, piloté par la SWDE, se poursuit. Les premiers résultats de 90 % des captages qui alimentent des zones de distribution dans lesquelles le TFA est significativement présent – qui ont une teneur en TFA supérieure à 1,5 microgramme par litre – sont disponibles au niveau des eaux brutes. Le rapport final complet du monitoring TFA est attendu pour fin mars 2025.
Ces résultats pourraient indiquer que certaines de nos masses d’eau seraient particulièrement affectées par l’usage des pesticides perfluorés.
Il me semble toutefois nécessaire de repréciser ce que j’ai répondu précédemment au sujet des produits phytopharmaceutiques qualifiés de PFAS. En Belgique, 31 substances actives ayant une substance active correspondant à la définition des PFAS sont agréées. Parmi celles-ci, seules deux sont clairement identifiées comme fournissant du TFA comme produit de dégradation métabolique. Il s’agit du flufénacet qui est un herbicide et du fluazinam qui est un fongicide. J’ai maintes fois rappelé ma volonté – et je l’ai encore dit dans les questions précédentes – de réduire autant que possible l’usage des produits phytopharmaceutiques, et pas seulement à cause de la présence éventuelle de PFAS.
Il ne faut toutefois pas oublier que ces pesticides ne sont pas la seule source potentielle de TFA. Un récent article scientifique – dont je peux vous donner la référence – cite en effet les estimations de quantités de TFA produites en Allemagne pour les différentes sources. Ce sont d’abord les gaz réfrigérants et les mousses d’extinction qui représentent environ 2 000 tonnes par an, suivis des pesticides pour 457 tonnes par an – principalement du flufénacet, du diflufénican et du fluazinam – et enfin les médicaments humains pour environ 29 tonnes par an.
Il convient donc de maintenir les efforts en vue d’une interdiction totale des PFAS à la source. Nous nous y employons au sein du Comité REACH – comme je l’ai répondu dans une question précédente –, de même que dans les autres groupes de travail interfédéraux.

M. Eddy Fontaine (PS). – Monsieur le Ministre, on peut en vouloir ou pas au bourgmestre pour la décision qu’il a prise, qui est peut-être – selon vos propos – disproportionnée. Rendez-vous compte que le bourgmestre est tout de même le premier personnage d’une commune et que l’on aurait pu lui reprocher de ne pas avoir pris de mesures. Il a pris des mesures parce qu’il n’avait pas de contact.
J’entends dans votre réponse que lui n’a pas pris contact avec l’administration ; et lui nous dit que l’administration n’a pas pris contact avec lui et qu’il n’avait pas de contact avec Villers Monopole qui lui en veut également, parce que commercialement, ce n’est pas bon. Lui a donc pris cette mesure-là.
On va arrêter ici de dire qui devait faire quoi et à quel moment. Ce n’est pas le but de la question.
Je prends note que l’étude est toujours en cours par rapport à ce que vous avez souhaité nous répondre.
Comme vous l’avez bien précisé, la source qui alimente où les citoyens peuvent aller, c’est le trop-plein de la source de Villers Monopole.
Je prends également note que vous dites que les TFA ne sont pas dangereux pour la santé, vous l’avez martelé. Vous êtes pour une interdiction des PFAS à la source, c’est important de le signaler. On restera attentif, comme vous l’êtes également, par rapport aux eaux de distribution.

Mme Bénédicte Linard (Ecolo). – Monsieur le Ministre, le premier enseignement de ce que vous avez pu nous dire est que, si des bourgmestres aujourd’hui prennent des mesures que vous ou le CSI jugez disproportionnées, il faut alors clarifier la chaîne d’information entre les premiers concernés sur ce sujet, à savoir les bourgmestres et l’administration. Apparemment, ce n’est pas clair, donc il faut clarifier, il faut reprendre une action vis-à-vis des pouvoirs locaux pour que ce soit plus clair par la suite.
Vous rappelez également que certains pesticides sont à la source de pollution. Certains, les TFA, ne sont pas néfastes pour la santé, mais certains pesticides le sont. Vous avez identifié les gaz réfrigérants et les mousses d’extinction comme des produits problématiques. Cela fait deux produits de plus dont on pourrait interdire l’utilisation.
Puisque j’ai bien écouté votre réponse précédente, l’utilisation est bien de votre compétence, puisque c’est régional, à côté de l’utilisation d’autres produits dans les cosmétiques, dans les vêtements, et cetera. Je vous invite dès lors à agir en matière d’interdiction de l’utilisation de ces produits.

M. Grégory Chintinne (MR). – Quand on est le dernier à répliquer, il n’y a plus grand-chose à dire, si ce n’est remercier le ministre pour sa réponse qui est complète.
Au niveau de l’eau en bouteille, j’ai pris bonne note. On a un Gouvernement fédéral et l’on aura alors l’occasion de renvoyer vers ce dernier. Je tiens tout de même à souligner les récentes avancées, à savoir la validation par le Gouvernement wallon en troisième et dernière lecture, le 20 février dernier, d’un arrêté qui permet de mettre en place la norme de 100 nanogrammes dans l’eau de distribution pour les PFAS 20. Ces normes devraient initialement entrer en vigueur en 2026, mais elle l’est déjà.
J’ai entendu tout à l’heure qu’il y avait une difficulté en termes de communication et ne pas savoir qui appeler ni quand. Je constate que ce Gouvernement avance et vient avec des propositions concrètes pour régler le problème lié aux PFAS. Pour information, la mousse d’extinction est déjà revenue dans d’autres dossiers, on sait qu’elle est à l’origine de la pollution aux PFAS. Il suffit de l’interdire, comme vous l’avez dit, Madame la Députée.

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